jeudi 30 octobre 2008


"Quelques adolescentes pouvaient encore lire des romans, en se tortillant une mèche de cheveux entre les doigts. Mais on éteignait les téléviseurs. Maris et femmes se préparaient pour la nuit."
Raymond Carver


Café Au Départ, 1 rue rocher, Saint-Lazare
Il y a la dame qui s'occupe de tout, le temps de ton séjour dans le café tu peux te dire que c'est comme ta maman, d'ailleurs je le prenais comme ça. Elle a les manches retroussées, habillée tout de noir façon technicien de plateaux télé, "je suis là mais je m'efface, ne me regardez pas trop". Elle a la banane noire remplie de pièce et parfois un chiffon entre les mains, ou des assiettes pleines de nourriture qu'elle porte sans les regarder, un peu comme si elle était blasée ou qu'elle s'était gavé avant de commencer le travail, ses yeux sont tout petits et tout noirs, presque doux, delmasien, ça m'a un peu troublé parce que ça allait pas avec le reste, son côté sévère mais protecteur, sévère mais bienveillant.

La carte n'est pas très fournie mais on voulait juste manger, peu importe ce que ça pouvait être.
On s'est assis dans un coin, j'étais dos à la télé mais il y avait des miroirs partout alors je pouvais me voir de profil, je me vois jamais de profil alors ça m'a fait plaisir, je trouve mon nez un peu droit, je pense pas le refaire, ça compliquerait les choses.
Emile voulait un gros plat, comme d'hab, entrecôte, frites avec la mousse au chocolat après, le ventre bien garni, tout ça, les blagues salaces, ce mec est un malade. Je l'ai stoppé direct dans son délire, mec j'ai pas beaucoup de fric, tu te prends un petit truc et pas de desserts, et pour la boisson ce sera du jus de carafe.
Il a commandé un croque madame et moi un croque monsieur, j'ai fait, (pas à la dame, mais juste après) UN CROQUE MONSIEUR POUR MADAME ET UN CROQUE MADAME POUR MONSIEUR. Il a rigolé, la télé passait le clip de "Torn" de Nathalie Imbrulgia. Une fois commandé il n'y a plus qu'à attendre un peu, à se détendre beaucoup, ton avenir proche est assuré, tu vas manger, tu vas parler, ça ira pour toi, uniquement pour toi. J'avais pas une bonne vue sur le reste de la salle mais quand même j'arrivais à voir des visages et des plats devant des visages, ça m'a ému, on aurait dit que c'était tous des habitués du lieu, il parlait sans regarder autour d'eux, ce travail là de découverte avait déjà été fait depuis longtemps.
La dame a bien compris, elle a vite fait de nous appeler "les jeunes", dans ma tête je me disais "on dirait que notre père nous a filé un billet de 20€ et nous a demandé de nous débrouiller pour aller manger", c'était l'impression que ça me faisait, la grande aventure au coin de la rue, en fait on venait de loin pour manger ici, et on mangeait ici un peu par hasard.
J'avais déjà repéré ce café parce que je passe souvent par ici quand je vais à la Fnac ou au cinéma ou chez H&M, les lumières de l'enseigne sont rouges et violettes et allumées toute la journée, dans ma tête ça faisait comme une tâche un peu marquante, une image familière que j'avais du mal à situer, d'un coup d'oeil on pouvait voir des choses terribles : des gens s'approcher de grandes tasses blanches et discuter avec une aisance que le lieu devait leur conférer, des plats de frites entamés, des groupes de jeunes chevelus. Je m'étais dit "un jour j'y viendrai". et puis là Emile avait faim, je voulais pas trop marcher, les prix me semblaient raisonnables, j'allais concrétiser une idée.
Les plats sont arrivées, des larges tranches de pain de mie toastées recouvertes de fromage-plastique avec une salade sauce vinaigrette comme on en mangeait à la cantine, toute verte, légère, rafraichissante, qui se déploit dans la bouche et finit par se mastiquer comme le reste. Une petite table, deux verres, une carafe d'eau, deux serviettes, frère et soeur, une petite table dans un petit coin comme espace vital, MTV dans le dos, la seule chose ici qui nous rappelle l'époque, deux-mille huit, on se croirait dans une chanson d'Aznavour, la vie et ses plaisirs, les mêmes depuis longtemps, et on ne s'en lasse pas, on est presque honteux d'être heureux, de trouver un truc à 7€ si bon et cette ambiance un peu mordorée, où tout les meubles se répondent, s'harmonisent, participent à la création d'une émotion, d'un tatouage au coeur.
En voyant l'assiette arriver j'avais craint pour ma faim, j'avais craint de ne pas être tout à fait rassasiée, aussi j'ai accompagné le plat de pain que je trempais dans de la moutarde qui me sortait par le nez, au début j'équilibrais que dalle et je me servais à la truelle, ensuite j'ai compris qu'il fallait en mettre juste une goutte pour un assez gros bout de pain, ça allait, c'était bon, j'avais plus faim, toute l'assiette était passée par ma bouche, j'étais ragaillardie.
Un couple de vieilles personnes a demandé à ce qu'on baisse le son de la télé, il y avait cette chanson que je connais depuis très longtemps mais impossible de mettre un nom dessus, longtemps j'ai cherché avant que la mélodie ne s'oublie, là elle revenait, toujours aussi impossible, ça m'embête, ça m'agace. J'ai promis un dessert à Emile, mais autre part, autant changer d'endroit, et puis on avait des choses à faire, des choses à voir, on a renfilé nos armures, nos écharpes, mon bonnet bien visé sur la tête, on est sorti dans le froid en remerciant la dame. On s'est pris la ville en pleine face, ses musiques expérimentales de klaxons et de moteurs, les bribes de phrases que les passants jettaient comme des sorts sur nous.
Dans le métro on se sentait un peu à part, dans un autre état d'esprit que les gens qui se déplaçaient pour le travail ou pour des choses bien plus importantes que notre petite promenade toute molle, presque improvisée, de deux corps en vacances, épanouis, ennuyés, lents, les mains dans les poches, la tête dans une pile de couvertures. Hier matin je lui avais demandé depuis mon lit "t'as mangé?" il m'avait répondu "nan" et à l'idée qu'on allait bientôt le faire il criait "OUAIS OUAIS ON EST EPANOUIS ON EST EPANOUIS", maintenant il me disait un peu comme ça, parce qu'en voyant tout ce monde on ne pouvait se figurer autre chose, "t'as vu on dirait une fourmillière", je n'ai rien trouvé d'autres à lui répondre que "mais c'en est une". Sans faire la liaison.

peinture de Ralph Goings

lundi 27 octobre 2008





j'ai envoyé un sms à Cécilia pour lui dire si ça la branchait d'aller traîner dehors, j'avais envie de promenade avec les mains dans les poches de mon manteau, je voulais aussi porter le bonnet qu'elle m'a avancé puis qu'elle m'a dit de ne pas me rembourser, sa maille est épaisse et multicolore et il me fait une petite tête adorable. La seule question qui se pose c'est "à quand les bouloches?"
J'ai prévenu les autres filles de notre escapade, rdv à St Michel a 17h, personne n'a répondu, maybe Charlette pouvait nous rejoindre après. Dans le métro je n'ai pas enlevé mon bonnet pour ne pas prendre le risque de ne pas savoir le remettre comme il faut.

Cécilia était appuyée contre une rambarde près de la fontaine, elle portait son bonnet noir, celui qu'elle avait acheté en m'achetant le mien, elle lisait "Le loup des steppes" d'Herman Hesse, elle prononce tout le temps "Héssé" et je trouve aucune raison de la corriger, peut-être même qu'elle a raison. On savait pas quoi faire mais je pense qu'on trouvait ça drôlement chouette de se voir un peu comme ça, sur un coup de tête, c'était l'aventure, c'était les vacances et l'amitié.

On est passé par le parc où se trouve le musée du Moyen-Age, là où un jour d'été j'avais mangé ma glace banane/caramel/pistache/café avec Rodolphe et les amis de Rodolphe, on avait fini la soirée devant un reportage sur les Crocs et les smoothies dans Capital. Ensuite on voulait un peu s'asseoir pour papoter alors on est allé au Mcdo, j'ai pris un cappuccino, je lui ai dit que je lui paierai tout ce qu'elle veut. On a pris les places qu'on aime le plus, face à la baie vitrée avec la nuit et la lumière du dedans qui permet que nos visages se reflètent dessus, ça faisait longtemps qu'un cappuccino n'avait pas coulé au fond de ma gorge et sa saveur me surprenait un peu. Avec ma petite baguette en bois j'ai raclé la mousse et puis au bout d'un moment je sentais le goût du bois. J'ai enlevé les étiquettes du jeu Uno qui étaient collées à mon gobelet mais j'ai rien gagné. J'ai dit à Cécilia "si on joue sérieusement le jeu y'a moyen de gagner la voiture". Au Mcdo je trouve que y'a beaucoup de mixité sociale.

Cécilia voulait aller chez Boulinier voir un peu les livres, au début dans ma tête je me disais pas du tout que je pouvais m'en acheter un, j'essayais de bloquer l'idée mais en y entrant je me suis dit "après tout pourquoi pas", au pire j'achèterai un roman à 1,50€.
J'ai réussi à trouver deux livres de Philippe Djian dans leurs éditions originales, un roman "Echine" et des nouvelles "Crocodiles" qui ouvrent sur une citation de John Cassavetes et une autre de Dostoievski, j'ai trouvé que c'était la classe. On a trouvé un deuxième "Echine" alors Cécilia l'a pris. J'ai payé 3€ et le caissier m'a graaave dragué, je crois que j'aime bien ça même s'il était pas trop beau gosse, c'est l'occasion d'une histoire:
une fois à St Michel, au Mcdo, j'étais près de Cécilia a une caisse et un employé passe, et il me voit, il s'arrête de marcher genre il vient d'avoir une illumination
et il vient en face de moi,
mon corps débordait un peu sur la caisse d'à côté qui était fermée,
c'est là où il s'est mis.
En croyant qu'il voulait m'encaisser je lui ai dit "je suis avec elle",
il m'a dit "ah bon, vous êtes ensemble?" le relou de service,
je lui ai dit "oui, enfin non, on est amies",
après il est resté là à me fixer,
il m'a dit qu'il aimait bien mes cheveux et mes lunettes (...)
puis ensuite avec Cécilia on est parti
et tout le temps que l'encaissement a pris il est resté là à me fixer.
Après qu'on se soit installé un autre employé est venu me demander mon âge, j'ai répondu "17 ans", il a fait "17 ans?!" et il est reparti, plus personne ne nous a saoulé.
est-ce qu'il était beau? je crois pas,
peut-être qu'il faut en retenir que le positif, à savoir que je suis capable de plaire sans mon blog. :-)

Avec le décalage d'une heure on trempait un peu dans un temps qui n'était pas le nôtre et là où on pensait qu'il était 22h il était en fait 19h, il faisait tout nuit, on portait chacune nos sacs rouge et blanc, l'un plus lourd que l'autre, et nos talons annonçaient nos présences. On est allé voir l'expo au Palais de Tokyo, le trajet était assez long, c'était bien, on aurait pu danser en attendant mais on a préféré parler comme les autres personnes de la rame. Je lui ai dit qu'en ce moment à la Fnac ils avaient trop de coffrets dvd en promo et aussi on a parlé de mon blog qu'elle a encore jamais lu, elle m'a demandé si je les imprimais, je lui ai dit que oui, elle m'a dit qu'elle préférait que je le lui passe en imprimé parce que l'ordinateur lui fait mal aux yeux. J'ai dit d'accord, je dois pas oublier.
L'expo était normale, il y a toujours la moitié voire tout que je comprends pas au Palais de Tokyo, j'avais compris celle avec la bouffe en décomposition partout, un peu moins l'avant-dernière et pas du tout l'avant-l'avant dernière. Avec Cécilia on s'est mis d'accord pour dire qu'une fois passée notre majorité on viendrait plus au Palais de Tokyo. Nos 18 ans feront le ménage.

En revenant chez moi je croyais vraiment que j'allais pouvoir manger les pommes de terre avec le poulet de ce midi mais ma mère m'a gueulé dessus en me disant que c'était pour demain, et quand j'ai voulu manger du jambon sans pain elle m'a dit que ça coûtait cher et que je devais pas faire comme ça. Je me suis enfilé le paquet de pain de mie complet, c'était pas jojo mais si tu sais quoi mettre dessus ça peut aller. J'ai nettoyé les livres de Djian au dissolvant, Maudit Manège a survécu moyen au dissolvant, je crois qu'il s'est un peu décoloré, je suis trop pressée de le lire.
Demain on doit aller voir un film à la filmothèque et dîner ensemble, avec Cécilia, mardi ou mercredi j'emmène Emile à Beaubourg.

Je vous montre les deux Djian parce que je les trouve super beaux
(un message d'abord involontaire s'est glissé dans la photo...)


Happy Mondays - Step On

samedi 25 octobre 2008



"même dans des circonstances idéales, il y aurait toujours quelque chose qui clocherait et empêcherait qu'on se sente absolument bien. Mieux valait s'y habituer, sous peine de rater la bribe de bonheur qu'on pouvait quand même glaner."
Richard Ford
J'ai appris qu'on reprenait un jeudi, je n'ai donc que 10 jours de vacances, ça a eu pour effet de calmer mon angoisse. Je trouve ça parfait, c'est rond, c'est beau, ni trop long pour qu'il n'y ait pas de "jours morts" (pyjama, internet, télé), ni trop courts afin qu'on ait le temps de faire ce qu'on veut.
Ca va faire maintenant un certain temps qu'en début de vacances j'établis une liste de choses à accomplir, c'est une liste très longue et qui, si elle se réalise, me promettra de garder un bon souvenir général de ces vacances. Non mais, au bout du compte il faut être content et accepter les vacances comme on les acceptait en primaire, comme les plus beaux cadeaux du monde, de larges et douillettes journées ensoleillées, pleines d'aventures. Et puis d'expérience je sais que le temps passe vite, que 10 jours passent vite, que 2 mois passent vite, que tout mon passé est un grand rêve, un paquet de photos superposées les unes sur les autres et qu'on pourrait toutes regarder simultanément, des formes se perdraient, des visages affleureraient.

Ce vendredi je pensais vraiment que MD avait des choses à me dire à la fin du cours, déjà il devait me rendre ma clé USB, rien que ça aurait suffit à entamer la discussion et puis j'imaginais qu'il avait dû survoler la compilation, mais comme on dit péniblement "il y a des jours avec et des jours sans" et je suis partie de la classe en m'approchant du bureau juste parce que la corbeille à papiers se trouvait en-dessous et que je devais jeter des papiers, je n'ai même pas osé lui dire au revoir dans les yeux et le "bonnes vacances" n'est pas sorti même si je l'avais pensé très fort.
J'avais le visage fermé et très triste.
J'avais passé le cours dans une attitude plutôt joyeuse, je participais un peu, je rigolais beaucoup, mais arrive la seconde où le visage ne fait plus du tout semblant et où tout arrive à se savoir, cette seconde avait été ce moment où je disais "au revoir" sans convictions et sans espérances tout en me baissant pour atteindre la corbeille à papiers. J'imagine que le temps d'une demi-seconde il a flippé à l'idée que je vienne lui parler, parce que même si c'était pas pour me rendre ma clé il aurait dû s'excuser de l'avoir oublié ou me demander s'il pouvait me la rendre après les vacances. Je crois qu'il sait quelque chose.
je suis sortie, j'ai enfoncé ma tête dans mon bonnet, j'ai sorti mes sandwichs (j'avais pas déjeuné) et j'ai commencé à chercher quelqu'un à insulter. MD est venu vers mon groupe, sans sa veste et en tenant un briquet noir et blanc, il a dit qu'il avait pas envie de remonter, si quelqu'un avait une cigarette. On a dit plus ou moins en même temps "nan désolée", et Lucia est passée en disant "elle fume pas..." sur un ton qui m'allait pas. Une fois qu'elle était assez loin avec sa petite démarche de mannequin qui connaît un des membres de Justice je l'ai traité de "connasse" et tout. MD qui nous demandait une cigarette, qui faisait prudemment comme si de rien n'était, ça avait eu le don de m'irriter.
Avant le cours d'histoire j'avais dit à Marie et à Julie "surtout observez le bien, qu'on sache s'il sait quelque chose", Marie semblait toute émoustillée, investie d'une mission et avait vraiment pris son rôle au sérieux, quant à moi j'osais à peine le regarder et je préférais fixer mon cours ou mon manuel, comme je le fais dans les autres matières où il n'y a pas de sentiments en jeu. J'avais un peu honte, comme si j'avais commis une bêtise et que malgré les jours qui passent le regard de l'adulte n'était pas encore soutenable, trop chargé de sous-entendu, du poids du souvenir. Je crois qu'il m'évitait énormément du regard, en tout cas la fréquence n'était plus la même. (ok je suis une grosse dinde parano, fermez cette fenêtre, vite). Julie m'a dit que j'étais mignonne avec mon sac à dos, mon bonnet, ma gueule énervée et mes sandwichs. Je voyais ce qu'elle voulait dire.

Plus tard dans la soirée j'ai retrouvé les filles, on a traîné au Mcdo, on avait pas l'intention d'aller au cinéma ni rien. J'étais fatiguée, Charlette avait ramené de la documentation sur des universités datant du dernier salon de l'Etudiant, on a regardé ça, je me sentais trop mal, sans aucune énergie pour rien, je sentais mon parcours tout tracé, la mort à portée de main, la fatigue me rendait trop triste et en partant Marie et Charlette ont vu un rat dans le Mcdo, le vigile a remonté le rideau métallique pour qu'on puisse partir. Une nana dans le bus parlait au chauffeur, elle lui disait "vous acceptez de travailler le dimanche, c'est de l'esclavage" et le chauffeur répliquait des trucs sur Mitterand, une autre nana parlait très fort et en anglais, j'avais envie de lui dire "please be quiet", dans ma tête je me répétais sans arrêt la phrase, "please be quiet, be quiet", et elle elle faisait que dire "ham, haamm, Oh my god, oh my god, haamm", connasse elle aussi. Une fois à la maison j'ai mangé du riz et j'ai dit à ma soeur que le haut qu'elle venait de s'acheter était moche. Et c'était vrai.

"De toute évidence, je m'étais trompé quant au lien entre les instants, et quant à ce qui était préliminaire ou principal."
Richard Ford

Dans le bus j'avais trouvé cette phrase dans Richard Ford, je me disais qu'en ce moment elle me correspondait assez, que je ne savais pas mettre les choses dans l'ordre, établir la bonne hiérarchie, c'est ce qui pouvait faire qu'un détail pouvait faire tourner le monde et que l'essentiel soit perdu. C'était le monde comme je voulais qu'il soit, et ce samedi je me suis réveillé très tard, d'abord une première fois à 10h puis enfin vers 14h, Emile et ma soeur m'avait fait chier pendant que je dormais alors j'ai décidé de leurs faire la gueule toute la journée et de passer ce samedi toute seule dans le silence. Je m'étais fixé pour but de trouver "Maudit Manège" de Philippe Djian, c'est MD qui nous l'avait conseillé d'abord en classe puis aussi dans un de ses mails. Sur le site de fnac.com il était indisponible et sur Amazon il n'y en avait pas beaucoup, c'était pour ça que j'avais décidé de partir à l'aventure, parce que je savais que ça allait être dur et que ça m'amusait.
Je l'ai finalement trouvé chez Gibert dans sa grande édition un peu vieille, j'étais contente, j'avais l'impression de ne pas faire les choses à moitié, j'avais envie d'en parler à MD. J'ai aussi pris Bartleby de Melville. Je trouvais que j'étais bien habillée mais j'avais quand même super chaud chez Gibert et aussi dans les transports mais j'étais plutôt de bonne humeur parce que la ville était avec moi, m'accompagnait dans mes songes, me donnait à voir des choses intéréssantes. J'ai traversé les restaurants grecs et les crêperies, les odeurs extrêmement sucrées répondaient aux odeurs extrêmement salées, j'ai vu un mec avec un t-shirt Crystal Castles et puis un père de famille beau gosse avec 3, 4 enfants autour de lui dont j'aurai voulu être la mère pour qu'on passe un samedi soir au restaurant, les menus junior auraient été à 8€ et on aurait pleuré de joie à l'idée du bonheur qui s'étalait devant nous. Au lieu de ça je suis rentrée chez moi, sur le trajet, devant le Zenith Pizza une nana a passé ce qu'elle était en train de manger au sans domicile qui passait par là, il a dit "merci beaucoup", et c'était bien.

The Cure - Accuracy

jeudi 23 octobre 2008

"Hippopotamus revendique 40 ans d'amour de la viande"

Alors aujourd'hui je suis rentrée du lycée : j'avais pas de devoirs, j'avais rendu ma dissertation, j'avais aucune mission et j'ai retrouvé ce repos qui avant était la seule façon que j'avais d'aborder mes fins d'après-midi et que maintenant je ne retrouve que trop rarement.
Après les cours et avec les copines on est allé manger au Viaggio, l'espèce de fast-food de pâtes qui se targue d'être une alternative à l'hamburger (j'en avais déjà parlé dans une des toutes premières notes de ce blog) à condition que t'acceptes de faire la queue pendant 30 minutes.
J'ai bien observé les meufs à la caisse et les clients pour tenter de comprendre pourquoi ça prenait autant de temps, c'était surnaturel. Quand ca a été mon tour je me suis tournée vers Julie pour qui je commandais aussi et j'ai tendu mon poing façon "on a gagné", elle l'a fait en même temps que moi, elle avait super faim la pauvre.
En espagnol j'avais dit à Julie "j'ai peur de pas avoir faim quand on ira au restaurant" et pour me rassurer elle m'avait répondu "c'est dans deux heures, ça va".

Je suis arrivée vers les filles avec le plateau plein de provisions et j'ai posé le reste de l'argent sur la table en disant "tiens julie met ça de côté pour la voiture qu'on veut s'offrir", Charlette a trouvé ça trop mignon, et j'ai dit "ouaais trop". après on a mangé et on a parlé et c'était doux et bien comme quand on caresse des chats. J'avais pas du tout envie d'aller voir "L'instinct de mort", le film sur Jacques Mesrine, ("on dit pas Messrine on dit Merine") aussi j'ai accompagné Julie jusqu'au métro et sur le trajet je lui demandais "tu crois que j'y vais?" elle m'a répondu "bah demande toi si t'as quelque chose de mieux à faire" et c'était justement ce que ma tête faisait. J'angoissais un peu à l'idée de rentrer chez moi, de surprendre ma chambre dans la pénombre fraîche de l'après-midi, de traîner et d'enchaîner les actions inutiles alors j'ai fait demi-tour un peu pressée de leurs faire la surprise de mon retour. Elles étaient en train de boire des milkshakes en marchant lentement à travers le Dôme et en attendant la séance on a encore papoté jusqu'à plus soif. J'étais contente de les retrouver, je les trouve fun.
Cécilia portait mon nouveau bonnet que j'avais acheté un peu plus tôt dans la journée. Il était accroché trop haut chez H&M et le plus agaçant c'est que ça se jouait à un centimètre près, puis j'ai vu un très grand mec immobile, pas loin de moi, je lui ai dit "excusez moi, vous pouvez m'attrapez ce bonnet, je suis trop petite, hi hi", il m'a fait "bien sûr" et j'ai dit "merci beaucoup". C'était quand même assez tôt, il n'y avait personne, les vendeurs parlaient fort tout en installant les pancartes -50% (comprendre par là qu'il y a des soldes chez H&M et d'ailleurs un peu partout), l'atmosphère était détendue, les vêtements encore rangés.
Avec mon bonnet j'avais redonné le goût des couvres-chef à Cécilia et après le cinéma elle est allée s'acheter un bonnet chez H&M pendant que moi je les essayais tous et que Marie se disait à elle-même et très sérieusement "Oh 1,90€...je viendrai l'acheter quand j'aurai du fric", à un moment j'en ai essayé un si beau que Cécilia a bien voulu m'avancer le prix parce que j'étais à sec et qu'il fallait que je reparte avec, ensuite elle m'a aidé à bien le mettre sur ma tête, c'est tout un art, un jour je vous expliquerai si vous me le rappelez.

Le film était bien, c'est bien que ce soit sur trois fois, ça fait quelque chose à suivre dans sa vie, j'ai dit aux filles "ce sera notre série à nous". Il était 15h et la salle était bien pleine comme une bonne assiette de riz, il y avait des petits hommes d'affaire bien calés dans leur fauteuil avec la boîte de pop-corn bien calée entre leur cuisse, les lunettes bien calées sur le nez, prêt pour le film, prêt à se faire plaisir, quelque chose de parfaitement rassurant dans tout ça. Je les regardais de très très loin, c'était juste impossible qu'ils sentent quelqu'un les regarder et moi je me sentais en sécurité, c'était comme de mater Secret Story à la télévision, du voyeurisme sans les risques. J'ai bien aimé le film, ça m'a fait un peu peur, je trouve que c'est joliment filmé, je suis pas encore sûre de ce que je pense de Vincent Cassell.

Je sais qu'il faut que j'écrive la suite de mes affaires avec MD (on l'appellera comme ça, les occurrences de son nom commence à doucement m'inquiéter).
On s'était arrêté au moment où je devais lui envoyer un mail avec les chansons et où j'étais contente que notre discussion se soit bien passée et où je mangeais du riz aussi, je sais que je parle trop de riz, faut voir ça avec ma mère, c'est elle qui me prépare mon manger, ce soir elle m'a dit "je t'ai sorti le riz du frigo et les tomates farcies" et souvent elle me raconte comment les préparer, les quantités, la cuisson, et elle insiste sur le fait que c'est pas calorique et je fais tout pour abréger son discours, "oui maman je sais, mais de toute façon j'ai pas faim, nan mais c'est bon NAN MAIS C'EST BON." Je sais plus c'était quand, je crois que c'était hier, je pensais aux mères en général, pour moi une mère ça a toujours été la meuf qui te fait à manger après une mauvaise journée, ça peut se résumer à ça. Je pense pas que je serai une mère, j'ai déjà du mal à m'occuper de moi, je pense que je ferai n'importe quoi.

J'ai écrit un mail à MD, je lui ai dit que je ne pouvais pas lui envoyer tout les morceaux dans un mail, que Gmail ne permet pas ça, je me suis même crée un compte Yahoo pour voir si je pouvais mais je pouvais pas, ça se limitait toujours à 10Mo, je l'ai aussi rassuré sur le fait que tout ce que je pouvais faire pour lui ne me dérangeait pas, que j'avais le temps et que j'aimais être dérangée.
Je lui ai dit que je lui apporterai ma clé USB demain, que c'était la seule solution, je lui ai dit que je voulais qu'il continue de nous conseiller des groupes et tout, je lui ai dit, j'osais pas vous le dire en cours parce que vous vouliez "poursuivre le programme". J'ai allongé la compilation et j'ai changé quelques morceaux, j'ai mis une sorte d'avant-propos, j'ai mis mon cd de CYHSY dans mon sac, je me suis demandé s'il allait trouver ça bizarre que je garde l'étiquette du prix sur le CD mais je me suis résolue à ne pas l'enlever, c'était moi, je devais bien commencer par assumer quelque chose chez moi.

Le lendemain je portais ma veste en laine à motifs pied de poule bordeaux vert et marron avec des renforts en cuir sur les coudes, un pantalon bleu marine à pinces, mes bottes, un pull coll V bleu marine sur une sorte de chemise crème transparente en soie avec de la dentelle tout le long des boutons, un truc qui m'a coûté peut-être 6€ chez Gap il y a des années, la veste aussi était très vieille mais à peine portée cinq fois. On avait une heure de trou et on était assise dans le hall du lycée, quand ça a sonné on a vu MD se précipiter vers la sortie, il nous a dit "je reviens, ça a pas encore sonné, je fais vite", quelque chose dans le genre,
sur un ton un peu inquiet,
un peu désolé,
c'était étonnant parce qu'on savait qu'il fumait entre chaque cours et on ne lui en a jamais voulu. Il y avait eu la veille encore un échange webique et en poussant la porte du lycée pour sortir il nous regardait encore, et je le regardais et je lui ai dit "nan mais vous pouvez y aller", et disons que pendant 2 secondes je le regardais avec ce que j'estimais être mon sourire le plus gentil et le plus coul et il a croisé ce regard et c'était plein de good vibrations, ça m'a tué. Je crois que je m'en souviendrai toute ma vie, c'était comme la dernière fois, plus du tout un regard présent mais un regard pensant.

Une fois en classe (on était au rez-de-chaussée c'est pour ça que sans bouger on a pu attendre devant la classe tout en le voyant partir fumer) les élèves ont mis du temps à venir alors j'ai demandé à Julie si elle pensait que je pouvais lui donner maintenant tout ce que j'avais a lui donné, elle m'a dit "oui" et j'ai sorti mon petit sac Fnac. Pour le cd je lui ai dit "je pouvais vous le mettre sur la clé USB mais je trouvais que la pochette était belle", il a dit que c'est vrai qu'elle était belle. Il a rangé la clé USB dans la poche intérieure de sa veste et il a dit "ça se perd ces trucs-là", il avait dû en perdre une pour dire ça. Après Rafaël a demandé de quel groupe il s'agissait, lui qui ne connaît que, allez soyons gentils, Bob Marley et Pink Floyd, j'ai dit "c'est Clap Your Hands Say Yeah", MD, outré, a dit en plaisantant "QUOI? VOUS CONNAISSEZ PAS CLAP YOUR HANDS SAY YEAH!?". C'était mignon tout plein.

La classe se remplissait doucement au son des chaises qui s'ouvraient et se refermaient sur les élèves, MD a pris une craie et très silencieusement il a écrit un titre du groupe Freur, ça répondait directement à mon désir qu'il continue de nous conseiller de la musique, je lui avais précisément dit qu'une simple note dans un coin du tableau suffirait, qu'il n'était pas obligé d'en parler histoire de ne pas retarder le cours, ça m'a trop touché.
Ca c'était mercredi.
Le jeudi MD n'est pas au lycée alors bon, la journée passe comme ça, on n'y pense pas, on ne sort pas en récréation parce qu'il n'y a plus un homme à regarder fumer et le vendredi arrive finalement très vite, le sentiment de l'attente est plus rude que l'attente elle-même.
Ce soir en rentrant du cinéma, je l'ai dit, je n'avais rien à faire et à la maison il n'y avait personne alors j'en ai profité pour manger au salon, par terre devant la télé comme ça m'était pas arrivé depuis trop longtemps, c'était faire comme j'imaginais les gens quand ils me disent qu'ils n'ont rien fait de leur week-end, je me les figure toujours en train de manger devant la télé, à l'abri de la vie, dans un état de confortable demi-conscience.

Marianne Faithfull - Paris Bells

cette chanson est une réussite totale, ça fait plusieurs semaines qu'elle traîne dans mes oreilles et je pensais en avoir parler ici mais je dois confondre. Énorme claque dont on ne saurait se passer.
PS : ne vous inquiétez pas, mon délire photo en noir et blanc (très original...) en arrive bientôt à son terme, simplement sur celle-ci je me demande qui des deux est vraiment le chat...La photo n'ayant aucun rapport avec la citation. :-)

mercredi 22 octobre 2008

"On ne se souvient pas du passé, on l'imagine."
Richard Ford - Péchés Innombrables

fin du cours, rien ne s'était passé.

j'avais juste aimé que deux heures avant le prof de philo parle d'amour et de jalousie, ça m'avait fait un truc au ventre, j'aime bien me sentir directement concernée par le cours, prendre le cours comme un conseil.
En cours de littérature, avec Julie on a passé l'heure a traiter la prof, à faire les cases de la mort (je vous montrerai un jour) et à calculer le total en € de ce qu'on portait sur nous. Mon manteau et mes bottes coûtaient chers mais le reste était vraiment pourri (culotte Snoopy et jean Gap à 15€) quant aux bottes de Julie, elles coûtaient en réalité 100€ seulement c'est sa copine Chloé qui les lui a donné et la réparation du talon n'avait coûtée que 15€ et sur la feuille on avait mis 15, résultat : je gagnais avec quelque chose comme 231€ contre 187€. Demain je vais mettre mes habits les plus chers pour encore lui faire la nique.

Quand la sonnerie a retentit mon ventre pleurait, je me sentais remplie d'électricité, c'était l'heure d'aller en histoire géo.

Vendredi j'ai dû lui envoyer un mail en me rendant compte qu'une des chansons de la compilation ne marchait pas, le lendemain matin je m'étais réveillée avec l'idée du mail dans la tête et de fautes que j'avais commises, que j'aurai pu éviter en modérant mon impatience. Plus tard j'ai réalisé que j'avais envoyé le mail à une mauvaise adresse et que je pouvais à ma guise repenser le mail.
Dimanche soir en rentrant (de) "De la guerre", 2h10 un peu chiantes, parfois assez belles, avec toujours les mêmes actrices qui se téléportent de film en film : Clotilde Hesme, Léa Seydoux, ce genre de nanas.
En allant sur ma page netvibes, en me déchaussant, et même un peu avant sur le trajet, même samedi, je m'étais dit "dimanche soir : il est juste impossible qu'il n'ait pas lu mon mail", je le voyais bien revenir d'un week-end mouvementé et lire ses mails le dimanche comme on ouvre une boîte aux lettres le samedi, sans grande conviction. A 20 heures je l'imaginais bien faire le point, préparer sa chemise pour le lendemain, réintégrer la réalité des cinq jours.

Il m'avait répondu,
ça faisait quelque chose comme 4 lignes, il me remerciait encore une fois, il me disait qu'il prendra le temps de la savourer pendant les vacances avec les quelques romans qu'il avait en retard, quand il n'y aura plus de copies à corriger, d'éditrices pressées...c'était ses mots.
Et aussi, le plus important, que c'était rare qu'un élève apporte quelque chose à un prof plutôt que le contraire.
Il avait mis beaucoup de points de suspension mais ça ne m'a pas irrité parce qu'il les plaçait bien et que ça évoquait assez justement la suite de sa pensée, un peu "vous voyez ce que je veux dire".
Le lendemain, forcément, un secret s'était comme placé entre nous deux, une connivence mais très légère, très belle, très neuve, qui cachait simplement des mots échangés pendant le week-end, une sympathie délicieuse qui n'aboutirait à rien, j'imaginais qu'en me voyant ce n'était plus ce regard entièrement présent, dénué d'arrière-pensées qui se posait sur moi, avec ce mail j'avais justement l'impression d'avoir inauguré quelque chose.

fin du cours,
rien ne s'était passé,
et je finissais d'écrire ma phrase au moment où j'ai vu une tache noire apparaître à l'extrémité de ma paupière supérieure : c'était lui qui s'approchait de moi. Je rangeais mes stylos que j'ai tendance à sortir, à débouchonner et à laisser sur la table plutôt qu'à tout de suite ranger.
Je ne me souviens plus fidèlement des paroles alors je préfère utiliser ce que j'appelle le "discours direct approximatif" et qui se caractérise par une absence de guillemets

tiens murielle, j'ai écouté la chanson que vous m'avez envoyé par mail...
ah oui clap your hands say yeah,
oui voilà, et c'était très bien
il a dit que ça lui faisait penser à une chanson d'un album des talking heads, celui avec les avions avec les avions....?
oui vous savez "remain in light"
ah oui, j'adore cette album (arrière-pensée : les avions sont derrière la pochette, c'est vrai)
vous savez la chanson qui fait, il fredonne
aaah, oui, euuuh, Once...Once in a lifetime
voooilà, Once in a lifetime, et la voix du chanteur qui déraille un peu comme celle de...
de David Byrne,
voilà, je trouvais plus son nom, par contre j'ai rien pour écouter le cd
oh
mais ma copine va me trouver une solution
ah d'accord
Augustin parle au prof pendant que je dis à Julie
"attends je veux encore lui dire un truc"

mais monsieur si vous voulez je peux vous envoyer les photos, eeuuh, les musiques par mail
ah ouais je veux bien
ok bah alors je vais faire ça
d'accord bah merci beaucoup, parce qu'en plus par mail je peux les écouter directement, y'a le truc qui s'ouvre,
ok je fais ça
mais surtout que ça vous prenne pas de temps
ah nananan, vous inquiètez pas, de toute façon la compil...(je voulais dire que la compil m'avait pris toute une soirée alors bon, une heure ou deux de plus)
FIN

avec julie on était d'accord sur le fait que j'avais géré, j'étais fière de moi, Julie me connaissant, sachant que ma confiance en moi se réduit à une miette au fond d'un paquet de chips, elle savait ce que ça représentait pour moi de réussir à parler à Monsieur Delmas sans perdre mes moyens. au moment où il me parlait, j'étais là, et c'est ce qui m'a permis de pouvoir à la fois retrouver le titre de la chanson et le nom du chanteur, alors qu'en temps normal ma raideur m'interdit tout genre de réflexion, d'extirper quoique ce soit de ma mémoire. Sur le chemin du retour j'étais toute guillerette et je l'ai laissé sans trop m'inquiéter entre les mains de filles de ma classe, j'avais le sentiment d'avoir fait forte impression et que je pouvais m'en aller sur ça, comme une petite reine, qu'il était à moi (du moins en pensée) jusqu'au lendemain.
Dans le bus qui est idéalement arrivé en même temps que moi, j'ai refait le point sur notre discussion, j'ai cherché avec crainte mais avidité mes erreurs, vient un moment où on est en quête de l'esprit d'escalier, où il ne vient plus à nous mais où l'on s'inquiète du fait qu'il ne soit pas là, pourtant, une fois de plus tout avait été nickel.
je repensais à la façon qu'il avait eu de s'approcher de moi, de commencer son entrée en matière par un simple "tiens, murielle", comme s'il me croisait dans la rue, je reconnaissais là les signes d'une préparation, le genre de préparation à laquelle je procède à chaque fois que je dois lui parler.
et puis je pense vraiment que c'était la première fois qu'il prononçait mon nom, comme ça, avec ce ton qui voulait dire "je te connais, murielle, toi" et qui changeait de beaucoup de la fois où il s'était trompé en m'appelant Muriell-a, et qui m'avait un peu vexée, enfin pas vexée mais je m'étais dit que j'allais avoir du boulot.
après je suis tombée successivement sur cette phrase de Richard Ford et puis sur une carcasse de parapluie pas loin de l'abribus comme on retrouve, à plus petite échelle, des paquets de mouchoirs sur le sol des salles de cours et que je n'hésite même plus à ramasser. L'air était humide comme une salle de bains après une longue douche chaude, mes cheveux commençaient à s'électriser et il restait du riz et des yaourts au chocolat dans le frigo.
Je me suis dit qu'on pouvait expliquer les choses, et que même, les gens aimaient nous les expliquer sans qu'on leurs en fasse la demande, on peut expliquer ce que j'éprouve pour MD de la façon qui nous arrange (solitude qui s'éternisait, manque d'affection, amour, admiration) mais je préfère vivre mes sentiments librement, sans recul, sans prise de conscience, très bêtement mais très joliment, "Une fois dans une vie", comme dirait l'autre dingue.
à suivre

Talking Heads - Once in a lifetime

vendredi 17 octobre 2008

Le week-end qui s'annonce à la même première saveur inquiétante que le précédent, j'ai donc acheté un magazine, je compte le lire dans mon lit, ça m'occupera bien quelques heures en attendant de trouver un truc à faire.
Je fais la liste de mes modestes envies, de mes modestes moyens, je sais juste que j'ai bien envie d'aller voir "De la guerre", plus pour le casting attractif que pour feu Guillaume Depardieu. Je me souviens de Marie qui annonçait ça sur le trajet qui menait au théâtre du Ranelagh, lundi soir (j'y reviendrai, il faut que j'y revienne, j'avais commencé à rédiger une note comme toujours, je n'ai jamais su la finir, mon blog regorge d'une trentaine de notes non publiées), elle disait ça sur le même ton qu'elle avait pris pour annoncer le mariage de je ne sais qui, la relation de NS avec Carla Bruni peut-être, commençant toujours sa phrase par "hé vous savez que...", non je ne savais pas, oui ça m'a foutu un coup au coeur, je l'ai dit à Julie, c'est toujours bouleversant de voir une personne "en plein dans la vie" mourir, comme ça.
Elle a répété "en plein dans la vie..." en rigolant, elle sait ma façon superlative de m'exprimer, quand je parle de Monsieur Delmas, ou plus généralement de ma vie, de son vide sentimental, de mon enfance si peu intéressante et finalement très malheureuse, d'en rajouter jusqu'à que ça devienne comique, c'est ça qui doit faire rire mes copines, mon côté "rien pour me rattraper" que je véhicule volontairement mais qui n'est pas si faux que ça, pas faux du tout même.
Bref, oui, en plein dans la vie, et déjà mort, et la bouille de Julie qui croque dans un de mes petit-beurre, deux énormes yeux verts automne plantés au milieu d'un petit cercle de douceur.
_
Concernant Monsieur Delmas, tout le monde se rend compte de mon exceptionnelle capacité à avoir su, sans même le connaître, qu'il était fait pour moi, sinon susceptible de me plaire. Moi-même je n'en reviens toujours pas, quand je relis cette note, la première qui l'évoquait, le fait que je parlais à travers le bizarre prisme des sentiments qui au lieu de me perdre, comme souvent, me rendait lucide plus que de raison. J'ai le sentiment d'un exploit sportif, et l'idée que l'amour naissant offre au regard et à l'esprit une faculté à deviner l'autre hors du commun, surnaturelle.
Tout les jours que le lycée fait il se passe quelque chose de très intéressant le concernant, par exemple je n'ai pas encore eu l'occasion de vous dire qu'il a pris la bonne habitude de chaque jour de cours, nous conseiller un morceau de musique. Il est là, en train de parler du modèle soviétique, puis il a tout d'un coup une fulgurance et nous écrit silencieusement au tableau tel titre de Blue Oyster Cult (je connaissais quelques morceaux du groupe par la propagande qu'en faisait X. autant irl que sur internet, j'avais même repéré pour lui un coffret avec 5 CD du groupe dans un Virgin, on y était retourné ensemble et c'était comme par hasard le seul des coffrets en rupture de stock, j'avais alors eu peur qu'il me prenne pour une menteuse), qu'il ponctue d'un "ça, cette chanson c'est le meilleur/le plus/la plus belle...". Là encore, et parce que je retrouve ça en moi, je ne comprends que trop bien la façon qu'il a d'utiliser à tout bout de champ des superlatifs. Sans ça c'est juste impossible de faire écouter une chanson à une bande de vingt petits terminale. Il faut entourer ça d'un peu de prestige, d'une auréole d'excellence.
Le lendemain, toujours en milieu de cours, il nous dit "je vois que personne n'est venu me baiser les pieds, j'en déduis que personne n'à écouter...", le plus souvent il n'y a que ma Bande de Meufs qui a écouté le morceau conseillé. Quant à moi j'y suis comme forcée, je prends ça comme un devoir, et c'est surtout l'occasion de rentrer dans le monde de ses goûts par la plus petite des portes. J'ai donc crée sur mon ordinateur un dossier "musique Delmas" pour toutes les chansons qu'il compte nous conseiller, ça aboutira à une compilation qui plus tard aura pour devoir de me faire revenir le plus précisément possible le souvenir de cet homme.

Ca date un peu mais Monsieur Delmas a aussi fait circuler une feuille dans la classe pour, disait-il, "le remettre à niveau" côté musique, côté cinéma.
Quand j'ai eu la feuille en dernier entre les mains, j'ai pu constater que si Delmas se résolvait à écouter la classe il devrait donc regarder "Into the Wild" sur du MGMT. Je n'avais aucune idée des groupes que j'allais lui conseiller, j'ai gribouillé trois groupes, trois écrivains, deux séries, un réalisateur, avec le sentiment d'une liste que j'aurai pu peaufiner à l'infini. Une semaine plus tard, voire un peu plus, j'avais la main postée en visière sur le front, face à lui ,devant le lycée, avec mes copines autour, le soleil venait de derrière lui, entre deux éblouissements j'arrivais à le voir, on parlait encore de cette fameuse liste et je lui ai dit "faudra que j'ajoute des trucs", chaque 2 secondes il jetait un regard derrière pour s'assurer que la surveillante ne ferme pas le portail avant qu'il finisse sa clope et la discussion.

Le soir même je lui rédigeais une courte liste de groupes récents à écouter avec en tête ce discret abandon de la personnalité qui consiste à se mettre à la place des goûts de l'autre plutôt qu'à celle de ses propres goûts en faisant la douloureuse impasse sur ses groupes préférés moins susceptibles de lui plaire que d'autres, je doute de la clarté de mes propos, si quelqu'un pouvait me rassurer.
Quelques jours sont passés sans que j'arrive à trouver le courage de lui donner la liste, puis je me suis dit, la meilleure façon de s'assurer qu'il écoute chacun des groupes de la liste est encore de lui faire une compilation. J'y ai travaillé toute ma soirée du jeudi, j'y ai travaillé avec un acharnement et une concentration rare chez moi, pendant plusieurs heures, c'était finalement assez simple mais tout de même très chiant, ça avait eu pour bénéfice de totalement me vider la tête de mes préoccupations du jour. J'avais passé une mauvaise journée, pour des raisons obscures et trop ridicules pour être énoncées j'étais sur le point de pleurer en cours de philo, mais pas du tout à cause de la philo, à cause d'autre choses. Puis après vous savez comment ça se passe, toutes les difficultés du moment viennent s'entasser les unes sur les autres pour former une boule de douleur tentant du mieux qu'elle peut de vous faire fondre en larmes. J'étais à côté de Julie, en face du prof (un jour il faudra bien qu'on en parle de ce prof qui fascine tout le lycée) j'ai réussi à me contenir, mes yeux brillaient beaucoup et la sensation me faisait du bien.

20 titres, construit de façon à ce que ça aille de la plus bruyante à la plus douce avec une transition pop, j'ai appelé ça, hmm, "les 20 glorieuses", j'ai mis beaucoup de groupes que je n'ai jamais évoqué ici et qui pourtant constitue une bonne partie des vibrations qui se promènent dans ma chambre, the Ponys, the Black Lips, the Black Angels, Public Image Ltd, tout ça tout ça.

Ce matin je commençais à 10 heures, c'était la première journée de lycée avec mes lentilles, les choses et les personnes se découpaient dans l'espace avec une précision effrayante et je redécouvrais beaucoup de choses, je m'émerveillais du simple fait de pouvoir voir clairement le bout d'une rue ou de pouvoir lire le slogan d'une pub lointaine. Je marchais avec assurance jusqu'au lycée, aujourd'hui il me fallait relever un défi que je m'étais moi-même fixé, j'avais parié avec Julie que si je n'y arrivais pas je ramènerai les manuels pour toutes les matières pendant une semaine.

J'ai enfin croisé dans la foule imperturbable le visage familier de Julie, ses traits relâchés caractéristiques d'une marche pleine de pensées et fermée au monde, j'étais rassurée. Seule, je ne sens pas légitime ma présence en récréation, d'ailleurs si je descends ce n'est que pour regarder du coin de l'oeil M. Delmas fumer. Je reste debout, dans le cercle féminin de l'autre moitié des amies de Julie, ses potes de collège, qui écoutent du rock, se filent des clopes, possèdent tout plein de bottes. Je suis là, l'attitude un peu guindée, je ne sais pas encore comment me comporter, c'est un peu effrayant, tout va assez vite en récréation et puis je l'ai déjà dit, j'ai toujours eu la stricte habitude de hanter les couloirs du lycée pendant que les autres tiraient en urgence sur leurs clopes et socialisaient 10 minutes montre en main. Quelques rires, quelques blagues, quelques potins, de quoi se recharger pour les deux heures de cours suivantes.

J'avais une réunion avec tout les délégués du lycée pour élire je sais pas qui pour je sais pas quoi, Conseil d'établissement, Conseil de la Vie Lycéenne. En histoire on parlait de "pactomanie", il se trouve que cette maladie toucherait aussi le milieu lycéen. Tout ça ne devait durer qu'une heure et normalement ne pas empiéter sur l'heure d'histoire/géo. Je voyais bien que ça commençait à s'éterniser et il était inconcevable pour moi de rater ne serait-ce qu'une minute du cours de Monsieur D. Je me suis levée pour aller voir le proviseur, je lui ai expliqué qu'on voulait partir quand ça sonnerait, il m'a dit "pourquoi? vous avez contrôle?
- oui", ai-je menti.
Lucia m'avait pourtant signaler de ne pas dire ça parce que le proviseur pouvait ensuite aller vérifier par lui-même. C'est un proviseur très gentil et qui ne me connaît pas du tout, je trouve ça assez embarrassant. C'est toujours très dur d'avoir à faire avec des personnes qui nous seront à jamais inconnues et de faible utilité, dans ce genre de rapport-là seule la politesse arrive à s'installer. Nous avons été les deux seules à partir en fin d'heure et il y avait là quelque chose du plaisir d'accomplir un acte de désinvolture.

Pendant l'heure de réunion des délégués je parlais à Lucia, parfois mais très rarement on a du temps pour se parler et il faut donc trouver quelques phrases bien senties pour attester d'une évolution par rapport à notre situation de la discussion précédente. Lors de notre dernière discussion elle écoutait Crystal Castles et comptait faire le Celsa, maintenant elle a laissé tomber le Celsa et a eu l'occasion de parler longuement avec un des membres de Justice que sa mère connaît bien, seulement voilà, dites à Lucia que je suis difficilement impressionnable ou alors impressionnable pour de mauvaises raisons. Connaître de près une personne célèbre n'en faisant pas partie.

Avec Julie nous avions convenu que le meilleur moment pour lui donner la compilation était la fin du cours, j'avais pensé à un moment dans la récré mais trop de bruit, trop de monde, et puis il est rarement seul et je n'aime pas mon visage à la lumière du jour, tout est trop cru à la lumière du jour. Je ne sais pas trop comment exprimer ça, mais, c'est vraiment très dur de choisir la seconde précise où j'allais devoir interpeller le prof. Il faut trouver la brèche de silence où l'on va pouvoir insérer son "Monsieur, monsieur". C'est très délicat et j'avais eu le temps de tout calculer la veille, presque en écrire le scénario.



J'aime avoir les choses sous contrôle, beaucoup de la vie se déroule de façon hasardeuse et spontanée, c'est très rigolo mais aussi très risqué, alors quand j'ai l'occasion de reprendre le dessus j'use de ce pouvoir jusqu'à la manipulation, c'est un vrai jeu d'acteur, je donne l'impression de faire les choses comme à mon habitude alors que je ne fais que réciter un texte, parfois ça va assez loin pour que j'arrive à prévoir mes blagues. Après chaque journée, une fois chez moi, je procède à un véritable debriefing de ma journée et de mes erreurs de comportement, des choses à modifier le lendemain. Mieux écouter telle personne, mieux parler à telle autre, ce sont des erreurs qui me font mal et que je me pardonne qu'avec l'aide du temps et de l'oubli.

Monsieur Delmas a été très surpris par le geste, il m'a dit "bon je l'écoute et je vous la rends quand?", une telle réponse n'était pas dans mes plans et je lui ai fait "non mais c'est à vous", il a insisté plusieurs fois sur le fait que c'était "vraiment gentil", il me disait ça gravement, sérieusement, je le connais assez pour dire qu'il accorde beaucoup d'importance à la gentillesse et que, sans mentir, il était très touché par tout ce que cette initiative représentait comme travail, la liste des morceaux imprimés, le cd vierge rose, il avait ce petit regard déchirant d'homme touché un peu plus en profondeur que d'habitude, d'une vulnérabilité révoltante, c'est quelque chose de très beau, de très précis, il faut juste le quitter le moins possible des yeux pour s'en apercevoir.
Je suis sortie du cours le coeur léger comme un pot de yaourt vide, c'était sans conteste une victoire totale, pas le moindre doute, pas la moindre faille, tout avait été mieux que le scénario, c'était l'inespéré et je gardais à l'esprit que cela serait suivi de quelques défaites, de quelques incontournables baisses de régime. En moi-même je me suis alors fixée le rythme d'un coup d'éclat par semaine pour ne pas trop le lasser, une fois par semaine j'ai donc le droit d'aller lui parler, d'engager la conversation, de sortir un peu du cours, mais seulement une seule fois par semaine.
En rentrant à la maison mes lentilles me brûlaient la tête et les yeux et j'en avais un peu marre d'avoir encore passé un vendredi devant un film à moitié pourri au cinéma, Tokyo!, ça me met de trop mauvaise humeur. J'ai enlevé mes lentilles comme on se déchausse de nouvelles bottes qui nous massacrent les pieds, j'ai pris un Doliprane avec un thé à la vanille, j'ai marqué les grandes lignes de ce texte sur un bout de feuilles, je me suis déchaussée et j'ai écouté la compilation en tentant de me mettre à la place de l'oreille profane de Monsieur Delmas qui découvrait des merveilles de chansons exhumées pour lui par une élève dévouée. Aujourd'hui le froid était revenu et par dessus mon simple polo j'avais enfilé mon cardigan rouge en laine bouillie. Je me suis dit, que ce soit avec des groupes ou avec des hommes, tout n'est souvent qu'une question de bonnes rencontres.

The Ponys - Double Vision

dimanche 12 octobre 2008



Il ne faut jamais s'endormir le vendredi soir sans être informé de ce qu'on fera le lendemain.
Je ne parle pas d'un "oh peut-être un cinéma", pas de peut-être, il faut du sûr, du lourd, sinon le lendemain on se risque à sombrer dans l'énervement et la tristesse.

Le vendredi soir je suis d'humeur à organiser des choses pour la veille avec les copines, ensuite c'est trop tard. Après être allé voir l'horrible Frontière de l'aube il était prévu de façon très floue qu'on aille voir demain Appaloosa avec Marie, même si au fond de moi j'étais surtout persuadée que j'allais passer ce samedi seule, que j'en avais même envie.

En rentrant du cinéma mes chaussettes sentaient le cuir de mes bottes, je me suis lavée les pieds, les dents, le visage, je me suis enfermée dans mon lit et j'ai regardé le Café littéraire spécial Ennemis Publics. J'ai aimé le livre, enfin principalement les lettres de Michel, mais voir tout ce petit monde chahuter depuis 3 mois autour me conforte dans l'idée que je ne dois pas émettre de critique, je n'aime pas obéir. Je pense aussi que d'une certaine manière on a pas vraiment d'opinion claire sur un livre ou un film avant d'en avoir rédigé une critique. Le plus souvent dans notre tête ça se limite à "bien/pas bien", et puis au moment de la rédaction les choses se précisent et se nuancent, les arguments apparaissent.
Après je me dis que bon, il suffit de s'éloigner du buzz pour ne pas en ressentir les effets, pour certains l'évènement du mois peut être tout autre chose, c'est selon les points de vue, j'en ai bien conscience. Reste que cette histoire va tellement loin que cet amour de Monsieur Delmas nous a lu la première lettre d'Ennemis Publics en cours, d'un côté on peut se dire que ça va loin, de l'autre que cette homme est donc bien pour moi. Il considère Houellebecq comme le meilleur écrivain français contemporain, j'ai failli en faire tomber ma trousse.

Vendredi je suis partie de son cours le ventre vide, avec pas du tout l'envie de commencer le week-end de cette manière là, en sortant de la classe plein de filles étaient autour de lui, je ne sais pas ce qu'elles lui demandaient mais je n'aime pas le sentir occupé par quelque chose, ensuite je ne l'avais même pas vu sortir fumer sa cigarette, pourtant j'essaye toujours d'arranger ma cadence et celles de mes copines de façon à ce que je quitte le lycée en l'ayant vu dans sa petite veste noire, tourné vers la sortie. Je lui jette un bref regard qui ne monte pas plus haut que le torse tellement je suis timide, et je m'en vais chez moi, j'ai l'impression de l'abandonner un peu ou qu'il m'abandonne.
De toute façon le vendredi après-midi tout le monde disparaît jusqu'au lundi. On a ces deux jours pour soi et parfois le lundi en voyant les petits lycéens discuter et me barrer le passage dans l'escalier je me demande ce qu'ils ont pu bien faire, je les imagine dans leur lit avec leur bol de céréales, sortir un peu, parler à leur mère et finalement je les aime bien, ils sont humains et je ne les connais pas, c'est quand ils sont rassemblés en meute autour du lycée avec ce geste du bras tendu en arrière pour éloigner la fumée de cigarette qu'ils m'effraient un peu, que je les sens plus forts que moi.

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J'ai mes rituels,
le samedi par exemple je sais que je dois regarder "la mode la mode la mode" et le dimanche je sais que je dois écouter avant 20h le podcast du masque et la plume de la semaine dernière sinon il s'efface pour faire place au nouveau. Je n'écoute jamais l'émission au moment de sa diffusion, avec le podcast on a le droit de choisir le moment où l'on a envie d'écouter une émission et ne pas s'arranger en fonction de l'heure de sa diffusion, je trouve qu'il faut en profiter, tout ces petits nouveaux progrès qui sortent prévisiblement du ventre d'internet sont vraiment sympas.

J'ai passé un samedi assez affreux, dans le bus et dans le métro j'arrêtais pas de me répéter "t'aurais pas dû sortir, c'était pas obligé, vraiment pas..." et je n'avais rien de prévu à l'avance et je n'avais aucune envie qui dominait les autres. Ca me rappelait ces week-end de sévère tristesse debout devant mon bureau, incapable de décider d'une chose à faire, d'une chose à désirer, de samedi en samedi je retrouve le goût de ces week-end là qui font peur, je sais qu'une fois en janvier plus rien ne sera bien.
J'avais préféré la semaine avec ses petites joies et ses fatigues, par exemple j'ai été élue déléguée sans m'être présentée, voici une chose importante à raconter.
Je crois que c'est Augustin qui a lancé l'idée, il disait "votez pour Murielle, votez pour Murielle" en me souriant, toutes mes copines ont voté pour moi et puis au deuxième tour, en voyant le nombre de traits s'accumuler en face de mon prénom j'étais apeurée, je dévisageais mes copines et le prof, c'était une trahison à l'envers, une caresse dans le dos.
Même si je me sentais très gênée vis à vis des gens qui s'étaient eux présentés, j'ai pris goût au jeu et au deuxième tour j'ai voté pour moi, j'avais assez honte de cet acte et finalement j'ai été élue avec Lucia.
Je disais à Julie que vraiment ça me touchait trop d'être élue comme ça, que ça me donnait envie de pleurer, que c'était trop gentil. Ca ne voulait sûrement rien dire de particulier, sûrement pas "on t'aime Murielle", et puis c'était surtout mes copines qui avaient fait la différence, mais quand même je trouvais que c'était une surprise belle et rigolote, surtout que j'avais hésité à me présenter, pas sur le moment mais plutôt en début d'année. L'année dernière j'avais vraiment voulu faire des choses pour la classe, le blog, les sorties, les cadeaux de Noël, les repas chez moi, puis ça s'est arrêté parce que plus personne ne suivait en dehors de mes copines et que les lycéens ont prévisiblement une attitude de lycéen. Cette année je vais juste continuer les sorties au Palais de Tokyo et puis les cadeaux de Noël.

Ce qui me gênait en tant que déléguée c'est qu'aux conseils de classe les professeurs restent réservés sur ton cas, on évite les compliments, il n'y a pas cette image rétrospective de toutes tes bonnes actions projetée au fond de leurs cerveaux, tu es là et ils te jugent en direct, ils n'ont pas envie de te faire plaisir et au final tu ne sauras jamais ce qu'ils pensent de toi.
Et puis je me dis que trois fois dans l'année ça me permettra de me rapprocher de Monsieur Delmas, il y a d'abord l'attente devant la salle de réunion où des paroles peuvent être échangées, et puis dans la salle je pourrais me mettre à côté de lui où simplement le regarder.

Bref la semaine est belle, fatigante, pleine de contraintes et de contrariétés mais au moins on se sent bien dans la vie, intégré dans une histoire, et j'aime le matin quand mes copines aux regards aussi fatigués qu'amicaux marchent vers moi en faisant claquer leurs talons, parfois entre les mains elles ont un journal gratuit, rarement le même. A la sortie du métro Pont de Neuilly il y a l'un à côté de l'autre un mec qui distribue Métro en k-way jaune et casquette verte et un autre de Direct Matin habillé en rouge, c'est drôle parce qu'ils parlent entre eux alors qu'on aurait tendance à penser que c'est la concurrence. "On a pas le même maillot mais on a la même passion".

Pour les filles Marianne Faithfull - As tears go by
Pour les garçons Scott Walker - Copenhagen

deux chansons, même décennie, presque même durée, même thème, belles à en chialer sur le sort des arbres.

samedi 11 octobre 2008

fin de la dernière note
J'avais envie d'aller voir Microfictions au Rond-Point mais personne ne voulait venir avec moi, je pense qu'il devait y avoir énormément de monde, seul truc vraiment intéréssant de la nuit blanche. Je n'ai pas lu le livre, je ne l'ai même pas, il fait 1000 pages, ce sont des romans, des "microfictions" d'une page, parfois j'en lisais à la Fnac, mais le livre est vraiment trop gros, un peu cher pour un poche, qu'on imagine mal dans son sac, je projettais de le lire dans mes toilettes.
X. est très curieux de tout, une curiosité très naturelle, qui va de soi, un peu comme un devoir, alors il lit de tout, il touche à tout, sans préjugés, il fonce vers les choses. Alors Régis Jauffret, ça lui inspirait "ah noon ppffouh", mais il l'avait quand même lu. A un moment il est allé chercher quelque chose dans sa bibliothèque, il est revenu et m'a tendu le livre, c'était un mélange de "tiens, cadeau" et de "bon débarras" alors j'étais pas trop gênée mais j'ai quand même dit merci plusieurs fois et aussi après la soirée par message privé. Je ressentais comme un soulagement à l'idée de ne pas avoir à acheter le livre, ça laissait de l'argent pour autre chose, c'était vraiment me rendre un service que de me le donner.

Sa copine mangeait des yaourts, c'était les yaourts trop crémeux Danone, c'était bizarre parce que deux jours avant je pensais à ses yaourts, à leur goût épais et incroyable, à leur texture qui tenait bien sur la cuillère, ça changeait de beaucoup de la soupe maigre des Taillefine que je mange depuis quelques années. Je lui ai dit "ces yaourts c'est les meilleurs, parce que souvent les gens ils pensent à améliorer les fruits mais pas la crème, et là c'est vraiment parfait", elle mangeait, je ne pensais pas avoir été claire mais je crois qu'elle avait compris.

Vers la fin de la soirée tranquille X. essayait de me prendre en photo mais ça me gênait énormément, je me cachais derrière mon châle et mes mains et mes cheveux et mes bras, je me protégeais et il insistait, il essayait de trouver un interstice dans lequel glisser l'appareil, réussir à trouver mon visage, je chouinais "nan mais arrête ça s'fait pas". Ce qui m'insupporte c'est l'idée que des personnes aient de mauvaises photos de moi et qu'elles puissent les regarder aussi longtemps qu'elles le souhaitent, ça me terrifie complètement, surtout que j'ai conscience de mon manque sidéral de photogénie.
Un peu après, j'avais oublié le "harcèlement" photographique. X. a sorti sa caméra qu'il a posé sur un meuble en face de moi, ça devait être la caméra qui avait servi à ses petits films sur Youtube, des choses très courtes, son chat sur du Nico, sa copine sur la plage, une rue, petit créateur mignon. Il m'a dit "pousse toi un peu" comme si je cachais ce qu'il voulait initialement filmer mais en fait c'était dans le but de me remettre dans le cadre, enfin je crois, enfin je suis partie peu de temps après, il doit avoir 5 minutes de moi, mes coudes appuyés sur mes cuisses, mon menton appuyé sur mes paumes, moment d'hésitation à prendre la parole, absence, regard caméra.

P. et moi sommes partis vers 01h du matin, on s'est quitté à la lueur du plan du métro Belleville, j'avais mal à la tête, j'étais fatiguée, j'avais mal aux yeux, je voulais rentrer très vite chez moi et dans la rue on pouvait entendre des ambulances et voir les espèces de gros ballons blancs extrêmement lumineux hissés spécialement pour la nuit blanche, dans le métro un mec m'a fait "ouaich t'as le soleil au bout des lèvres ou quoi?" ça m'a tellement fait rire, je trouvais ça super beau.

De retour chez moi je venais de recevoir mes nouvelles bottes, cuir vieilli, talon en bois, j'étais vraiment contente, j'aurai voulu les faire claquer sur tout les trottoirs de la ville et m'acheter des jupes. J'ai mangé des potatoes et un bout de croque-monsieur, j'ai envoyé un message de remerciements à X. pour la soirée, pour le livre. Prévisiblement je me suis endormie après avoir pensé à ce qui se serait passé si P. était tombé de la fenêtre pendant qu'il fumait, il était vraiment proche de la chute et j'étais contente que la soirée finisse sans que les ambulances sonnent pour son corps.

mercredi 8 octobre 2008

Le contrôle d'histoire
ou pourquoi j'ai visé en juste en décidant de tomber amoureuse de Monsieur Delmas.

mardi 7 octobre 2008

"on sait qu'expliquer le monde c'est simplement le décrire" Michel Houellebecq

X. était en train de manger des raviolis aux crevettes dans une petite assiette, il se plaignait de la sauce trop piquante et le long de ses cuisses aux genoux légèrement surélevés pour faire transat, le fruit de son corps, son petit bébé qui se tenait là, vraiment tout petit, assez petit pour tenir sur son giron. L'image est émouvante, presque irréelle et cela lui ajoute quelque chose, une importance, du charme ou de la tendresse, je ne sais pas très bien, je commence à bien l'aimer. Au fur et à mesure de nos rencontres l'image que j'ai de lui commence à se compléter mais elle reste quand même, j'imagine, assez fausse et lacunaire, je suis la personne qui le connaît le moins et je commence à ne plus trop trouver de nouveaux éléments, qui dépasseraient la surface des choses.
Chez lui ça n'a pas changé, le salon est toujours le même, il y a un nouveau tableau d'Andrew Wyeth (j'ai dû ressortir un livre de peinture pour me souvenir du nom du mec, j'aime bien ce tableau), "Le monde de Christine", vraiment un tableau qui rend bien en affiche, sa vue est douce.
P. était là, je suis venue avec lui, il m'avait donné rendez-vous à 19h15 chez lui vers Bastille, me laissant son adresse sur un message dans mon répondeur que j'ai dû écouter 3 fois avant de retenir. Son appartement était trop beau, la bibliothèque imposante, je lui avais apporté des DVD. J'appréhendais la rencontre avec sa copine qui me connaissait un peu, il allait falloir être à la hauteur d'une image. Elle n'était pas encore là, elle est venue un peu après, elle m'avait achetée du Coca, c'est la deuxième fois qu'une copine d'un ami pense à m'acheter du Coca light, c'est vraiment trop mignon et je remarque que de plus en plus, des objets me représentent, c'est comme X. qui me charrie avec mes Carambar, mon Coca Light, mon blog et mon Monsieur Delmas, je lui évoque ça, un peu caricaturalement.
Elle est venue accompagnée d'un ami, une des premières choses qu'elle m'ait dite a été "t'as vraiment 17 ans" puis elle m'a félicité pour ma dissert de philo, P. m'avait aidé à l'organiser, là vous allez croire que je triche mais ce n'est pas ça, je n'aurai pas supporté de tricher mais j'essaye d'être sincère avec vous. Leur ami commun fait une thèse en économie sur la Chine, il portait un pull parme, on a parlé de Houellebecq et de Coupland et il s'est moqué de ce que j'appelais "mes siestes de 4 heures", A un moment je me suis sentie fléchir, un peu en danger, j'étais sollicitée de partout, des personnes étaient en train de se faire une opinion de moi, elle essayait peut-être de retrouver en moi ce qu'elle s'était imaginé, c'était dur de ne pas dire une connerie, de ne plus trouver ses mots comme quand la prof de français m'interrogeait l'année dernière et que je perdais tout mes moyens. Tout le monde était gentil, tout le monde était bienveillant et j'ai juste eu du mal à retrouver mes repères de fille qui parle, de fille qui doit émettre des opinions.

J'aime bien faire le trajet en bus avec P., on s'amuse bien et j'ai la discussion facile avec lui, j'ai l'impression qu'il est intéressé par ce que je dis, même qu'à un moment il m'a stoppé pour me dire "je pourrais te filmer en train de dire ça?", je parlais de ma difficulté à écrire sur mes failles et mes échecs , je lui disais, en gros : j'essaye vraiment mais j'évite alors de me relire et certaines phrases n'auraient pu ne pas exister, qu'elles sont douloureuses à écrire et qu'on se force, j'aurai pu les effacer, ça ne dépend que de peu de choses. J'ai un pouvoir total sur ce que je véhicule et j'essaye de ne pas trop en abuser, je parlais des gens qui ne pensais même pas à ça, à essayer de dire la vérité. J'essaye de rendre compatible mon désir d'être aimé et ce désir de vérité.
Finalement je pense beaucoup trop aux lecteurs, à chacun d'entre eux, à ceux que je connais et à ce qui pourrait leur plaire.
J'avais le cou et les cheveux coincés dans mon châle du moment, beige avec des motifs genre bandana multicolore, celui que tout le monde m'envie, enfin nan, mais disons que Lucia est venue vers moi en intercours en me disant "il est trop trop trop beau ton châle", ça arrive souvent qu'elle me demande où j'achète mes fringues et à chaque fois je lui réponds des trucs moisis du genre "H&M" et elle n'en revient pas. Ouais si je pouvais j'irai voir du côté de chez Isabel Marant, ça c'est sûr ma cocotte.

Une fois arrivé chez X. les mêmes gestes se répétaient, je me regarde dans le miroir pour m'arranger la tête, P. ricane, je lui dis "je reste une fille" et on se serre dans l'ascenseur. Tout est à peu près pareil sauf que la saison a changé, que la vie est passée de cette façon à la fois insensible, anonyme, calme et bouleversante; un bébé qui naît, une rentrée scolaire, un appartement qu'on essaye de vendre.
J'étais soulagée à l'idée qu'on n'aille pas au restaurant comme la dernière fois, P. avait acheté avant de venir du chorizo et des trucs comme ça, qui se mange avec les doigts, je ne voulais pas aller au restaurant parce que je n'avais pas d'argent, je n'ai pas trop d'argent en ce moment et je n'en demande jamais à mes parents, surtout pas à mon père, je veux dépendre le moins possible de lui pour pouvoir continuer à lui reprocher des choses. J'ai juste demandé à ma mère une avance pour "Ennemis Publics" et hier dans la salle de bains elle se maquillait ou se démaquillait, je ne sais plus, mais elle m'a dit "nan, c'est bon, je te l'offre".

D'abord il y a eu la musique de Gérard Manset puis très vite il a été question de me faire plaisir avec Love, les Smiths, les Doors et les Talking Heads. Love c'était mes siestes à 13 ans, quand ma mère me réveillait pour me dire d'aller chercher mon frère au centre aéré. J'avais acheté l'album en même temps que celui de Nick Drake. Five Leaves Left, définitivement pour l'automne.

samedi 4 octobre 2008

Bienvenue sur mon blog, voici ma 100ème note :


Les feuilles c'est comme la neige, mais autre chose, et puis ça tombe de plus bas. Je veux dire, hier quand je voulais rentrer chez moi, devant le portail de la résidence il y avait partout autour de moi, en train de me manger les pieds, d'énormes feuilles couleur fauve, on aurait dit des plantes tropicales, trop disproportionnées et colorées par rapport à notre végétation timide et urbaine. J'aimerais pouvoir m'en émerveiller autant que pour la neige, et ce jour-là je sentais en moi que je frôlais cet émerveillement.
les feuilles viennent à nous, le vent fait des bisous au soleil, j'hésite à porter des gants, je touche mes lèvres gercées du bout des doigts, les couleurs chaudes et le temps froid, la nuit je dors avec des chaussettes, je me mets sur le ventre et je coince mes mains sous mon ventre en coinçant la couverture tout autour de mon corps pour ne pas que l'air ne rentre. Je pense : "il fait froid à partir du moment où on pense aux personnes qui dorment dehors." et à chaque fois que je me mets dans cette position je pense à ça, comme une prière bizarre et désintéressée.
Chaque soir en rentrant chez moi je me demande "est-ce que c'est ce soir où je dormirai assez?" et vient un moment où le repos devient presque un devoir et où c'est sans remords qu'on part s'engouffrer dans son lit sans finir l'anglais.

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Le vendredi je commence à 10h et ce jour-là je suis partie un peu plus tôt de chez moi pour pouvoir aller acheter "Ennemis Publics," je n'avais jamais eu autant envie de posséder un livre, au delà du "buzz" qu'il peut y avoir un livre reste un livre, on peut lui prêter toutes les intentions du monde, marketing, provocatrices, ils se trouvent qu'au moment de la lecture rien de tout ça ne transparaît et que le livre est beaucoup plus modeste que la façon dont la presse ou même les maisons d'édition ont pu nous le vendre.
Dans deux Virgin différents je ne l'ai pas trouvé, je m'attendais à ce qu'il bénéficie d'un emplacement aussi important que celui qu'on pourrait réserver à un nouveau tome d'Harry Potter, finalement je suis allée dans un Relay, je sais que quand ils ont des livres ce sont surtout des trucs qui se vendent bien, des témoignages, des livres d'hommes politiques.
A la caisse je me suis dit que ça devait faire longtemps qu'on avait pas dû acheter un truc à 20 euros ici et que le mec devait surtout encaisser des Glamour, des Canard Enchainé, des paquets de mouchoirs et des barres chocolatées. Je me suis aussi demandé combien de temps on pouvait tenir enfermé dans un Relay avec toute cette quantité de nourritures, ces boissons et ces magazines, c'était très chaleureux et j'aurai pu y rester encore un peu si seulement je n'avais pas contrôle d'anglais renforcé dans 15 minutes.


Le soir nous sommes allées au restaurant avec les copines, je suis un peu en retard et elles m'attendent sur le quai du métro Pont de Neuilly, juste le temps que le métro s'arrête de sorte à ce que je sois pile en face d'elles, je sors et Julie me repousse dans le wagon en me criant "Murielle vite vite remonte remonte", et mes copines s'engouffrent en rigolant.
Nous sommes allées au Café Rive droite, "tu sais le café rouge et jaune. A Chatelêt." même si Charlette à la base voulait une crêperie. Il n'y avait pas beaucoup de monde dans les rues, et en moi-même je pensais "ils s'économisent pour la nuit blanche", il faisait froid, un froid matinal et la lumière hésitait encore entre le bleu du ciel et l'orange des lampes à sodium, je ne pense pas que le froid empêche les gens de sortir, je ne suis vraiment pas sûre, j'ai vu des gens manger tout seul sur des terrasses de café, dans l'intimité de leur manteau et de leur écharpe, avec les filles on arrêtait pas de rigoler et de faire des blagues pendant tout le trajet à pieds, et au restaurant aussi, ça avait commencé avec Marie qui dans le métro immobilisé avait dit dans son coin "j'veux pas mourir vierge" de façon sincère, on était joyeusement serré entre plein d'inconnus et tout le monde avait entendu, je crois que les visages étaient partagés entre la consternation et l'amusement, nous on était morte de rire justement parce que ça avait été Marie et pas une autre et qu'elle ne rigolait qu'à moitié.

J'avais pensé acheter une lampe de lecture à Charlette, j'avais vu la pub dans un magazine Lire spécial rentrée littéraire qu'ils distribuent gratuitement chez Virgin entre plein de livres que je ne lirai jamais et dont les titres me hantent encore, une éducation libertine, jour de souffrance, la meilleure part des hommes, polichinelle, un chasseur de lions.
Cécilia m'avait dit "oh ouais c'est trop bien" peut-être parce qu'elle la trouvait bien pour elle, et puis Julie pensait que "nan ça sert à rien, tout le monde à une lampe de chevet près de soi", moi j'avais juste l'image de moi en train de lire au liban avec une lampe torche coincée sous le menton pour ne pas déranger ma mère. Le jour de l'achat j'étais trop fatiguée pour rentrer chez Auchan alors j'ai juste pris trois livres que j'aime et dont il me semblait improbable qu'elle les lise sans mon intervention.
Sur le paquet j'avais écrit d'un côté "je suis mal emballé mais je suis sympa" et de l'autre "les musées ne sont plus gratuits mais il y a toujours les amis" avec un smiley censé me représenter. Charlette a 18 ans, voilà pourquoi.
Julie lui a acheté l'album de mgmt, pendant qu'elle cherchait une issue à l'emballage du cadeau de julie je chantais l'intro de "time to pretend" et julie m'a suivie. j'ai fait à Julie, "c'est bien, mgmt un an après tout le monde, hi hi hi", mais quand Charlette a dit "t'as dit quoi?" j'ai pas voulu le répéter, ça se faisait pas pour Julie. Dommage que Charlette lise ce blog.
Cécilia le dvd de Pulp Fiction et W ou le souvenir d'enfance de Perec, Charlette aime Perec
Marie lui a acheté une tasse avec écrit un truc du genre "c'est tout ce qu'on a trouvé a m'acheter pour mon anniversaire", au moment d'ouvrir le cadeau Julie a gueulé "OH LE CADEAU DE BEAUF", hi hi hi
Anaïs lui a offert un gel douche et un savon Sephora à la noix de coco, Anaïs c'est celle qui offre tout le temps des cadeaux de chez Sephora.
Le serveur est venu à notre table pour la commande des desserts en nous disant "y'a quoi pour moi?" et je lui ai fait "la tasse" et on a rigolé, il a lu la phrase sans rien exprimer sur son visage puis Marie a commandé une crêpe. Quand la crêpe est arrivée le serveur lui a dit "ne touchez à rien", et il est allé chercher un briquet et a allumé la sauce puis la versé sur la crêpe et nous on disait "waaaw", je ne sais pas ce qu'il y avait dans la sauce, sûrement de l'alcool, lol.
J'ai trouvé que le café était bien, c'était d'ailleurs moi qui avait choisi parce que la dernière fois je devais y aller avec Cécilia jusqu'à ce qu'elle me dise "j'ai envie d'aller au Indiana manger des poulets" et qu'on se tape toute la ligne 1 du métro. La carte de celui-ci était très fournie et rassurante, on pouvait manger une énorme glace à 17€ et qui s'appelle "toi et moi", il y en avait pour tout les rendez-vous.
On a fait un détour par le Mcdo avant de rentrer pour celles qui voulaient un sundae ou un milkshake, là encore on a bien bien rigolé.

Neil Young - Only love can break your heart, ce sera très bien pour l'automne.